AI-JE RÊVÉ DE LESTONIE ?
Ai-je rêvé de lEstonie ?
Jai vu des bateaux sur la houle,
Des côtes riches et fertiles,
La mer autour qui sy enroule.Mais non, ce nétait pas un rêve ;
Cétait vrai : jai vu cette image,
Jai ressenti douleur et peine,
Si fort qua pâli mon visage.Lève-toi, peuple de douleur,
Remonte du val de la mort,
Cherche la voie, fleuve de vie,
Qui te conduira vers la mer.SOLITUDE HIVERNALE DU POÈTE
La neige tournoie et je chante
Une triste chansonnette,
Neige emportée par les rafales,
Et mon cur par la douleur.La neige tournoie et je chante
Une triste chansonnette,
Neige samasse au bord du clos,
Et douleur dedans mon cur.La neige tournoie et je chante
Une triste chansonnette,
Jusquau jour où recouvriront
Mon tombeau glaces et neiges.AUTOMNE
Détachée dun bouleau
Auprès du portail,
Une petite feuille
Tombe en frissonnant.Je regarde le bois :
Automne épuisé !
Je regarde le ciel :
Nuage feutré !Mon esprit, mes pensées :
Pareils à la feuille,
Au nuage chagrin,
Aux arbres jaunis !SUR LEAU
Petit bateau
Vogue sur leau,
Vogue sur leau
Et sur les vagues.Comme un beau cygne
Sen va sur leau,
Sen va sur leau
Et sur les vagues.Mon bel amour,
Mon tendre amour
Parti sur leau
Et sur les vagues.Mon bel amour,
Mon tendre amour,
Là-bas sur leau
Et sur les vagues.Mon il au loin
Passe sur leau,
Passe sur leau
Et sur les vagues.Oui mais la vague
Ne me dit mot,
Se tait sur leau
Et sur les vagues.Vague par ci,
Vague par là,
Un bruit sur leau
Et sur les vagues.LE BRUIT
Quand je nétais quun tout petit enfant
Javais dans la poitrine un tintement.Et lentement, comme je grandissais,
Le bruit au fond de moi se renforçait.Aujourdhui ce bruit ma presque enterré,
Ma poitrine sous lui sest effondrée.Il est devenu mon âme et ma vie,
Se sent à létroit dans ce monde-ci.LE VOYAGEUR
Il neigeait. Errant sans travail,
Je cheminais depuis la ville.
Il neigeait. Jambes harassées.
Et la faim qui me tenaillait.Point de chemin ni de lumière.
Le soir était bien avancé.
Soudain, enfin, un petit feu
Qui vacillait dans le lointain !Jai frappé et lon ma ouvert
Aimablement ; je suis entré.
La fille a sorti de son four
Du pain chaud imaginez-vous !Parfum si doux, cabane chaude.
Mon ventre affamé. « Voulez-vous
Visiteur, un peu de pain chaud. »
Elle men a coupé un bout.Un large morceau de pain noir.
Comme il était délicieux !
Son cur aussi chaud que son pain,
Mon hôtesse douce et tranquille.« Doù viens-tu donc, et où vas-tu ?
Es-tu marié, étranger ? »
Je viens de là, je vais là-bas,
Je suis un pauvre voyageur.« Combien as-tu de surs, de frères ?
Tes parents vivent-ils encore ? »
Je suis tout seul ! Ô vie amère !
Les miens ne sont plus de ce monde.« Petit-petit, petit-petit
Le plus dodu deviendra coq.
Jai là quatre petits poussins :
Nos voix les auront réveillés »Traduit de l'estonien par Antoine Chalvin