Karl Ristikivi : Les cavaliers de la mort
(Surma ratsanikud, 1963)

Par Eva TOULOUZE

 
    Si L’étendard en flammes était le roman d’un espoir et La dernière forteresse celui de la fin d’un monde, Les cavaliers de la mort est celui du désespoir absolu, d’une lutte dont le sens n’est plus clair, pas même pour les combattants.
    C’est l’histoire de la Grande Compagnie Catalane racontée par le mallorcais Pedro, fils illégitime de chevalier, élevé par un père présumé commerçant et destiné à la carrière religieuse, qui s’engage dans cette compagnie, dont le chef incontesté est Roger de Flor.
    Les Catalans sont engagés par l’empereur Andronicos de Constantinople, que les Turcs, de plus en plus pressants en Anatolie, menacent directement. Pour le compte de l’empereur, la Compagnie reconquiert les villes chrétiennes d’Anatolie occupées. Mais le mécontentement monte contre Andronicos, qui ne tient pas ses promesses, et qui commence à trouver ses alliés de plus en plus encombrants. Roger de Flor est attiré dans un guet-apens, où il perdra la vie.
    Livrée à elle-même, enfermée dans son camp de Gallipolis, la Compagnie s’abandonne à sa soif de vengeance et sème autour d’elle la terreur et la mort. Elle finit par porter un coup mortel à l’État franc d’Athènes avant de se dissoudre, privée de toute raison d’être.
    Héros collectif, héros négatif, cette compagnie illustre parfaitement un univers en décomposition, où aucune valeur ne résiste. Pedro perd la femme qu’il aime, et finit par apprendre que Roger de Flor, ce héros légendaire, aimé et respecté de ses hommes, n’était autre qu’un pirate juif vénitien, marchand d’esclaves chrétiens...
    Que reste-t-il de la Grande Compagnie Catalane, si ce n’est, au cœur de tous les héros de cette terrible aventure, l’amour d’une légende à laquelle ils ont cru ?