Poèmes (bilingues)

Traduits de l’estonien par Antoine Chalvin
 

EESKIRI

Mõrv, mis sooritas su
kakskümmend üks aastat tagasi,
pole kuriteojälgi
siiani lõplikult kaotanud.

Armastus, mis su tegi,
põletas tiivad
esimese aasta jooksul.

Ärme jäta surres auke kosmose pinnale.
Ärme jäta surres auke kosmose pinnale.
Väljudes sulgege uks.
Väljudes kaotage usk.
Ärme jäta oma sulgi laokile võõrastesse magamistubadesse.

RÈGLEMENT

Le meurtre qui t’a commis
il y a vingt et un ans
n’a toujours pas fait disparaître
les traces du crime.

L’amour qui t’a fait
s’est brûlé les ailes
dans la première année.

Ne laissons pas en mourant des trous à la surface du cosmos.
Ne laissons pas en mourant des trous à la surface du cosmos.
Fermez la porte en sortant.
Perdez la foi en sortant.
Ne laissons pas traîner nos plumes dans les chambres étrangères.


PALUN EUTANAASIAT, MIND ON ARMASTUSES PETETUD

Kelleltki võetud lubadus praaklevis öösel kell viis –
iga signaal, iga heli on märk,
iga sõna on jalajälg.

Hommikuks meelest on läinud –
meil, tähendab.
Tähtedel mitte.

Vahel unenäos kangastub,
kui palju jälgi on jäänud 
su lävele, kui palju mõtteid
on jäänud su alateadvusse,
kui mitu inimest suudab su
ükskeelne monokroom teadvus 
üksteises eristada.

Hommikuks läheb meelest.
Aga tähed ei unusta:
kõik, min on olnud,
on olnud.

JE DEMANDE L’EUTHANASIE, J’AI ÉTÉ TROMPÉE EN AMOUR

Promesse téléphonique à cinq heures du matin avec un mauvais réseau –
chaque signal, chaque son est un signe,
chaque mot est une empreinte.

Au matin tout est oublié –
ou du moins nous avons oublié.
Mais pas les étoiles.

Tu entrevois parfois en rêve
combien de traces sont restées 
sur ton seuil, combien de pensées
dans ton inconscient,
et combien de gens ta conscience
monolingue et monochrome 
parvient à distinguer les uns des autres.

Au matin tout est oublié.
Mais les étoiles n’oublient pas:
tout ce qui a été
a été.


Iga kord kui see tüdruk armus,
hakkas ta kukkuma läbi seinte
ja põrandate ja hilistel teedel
läbi asfaldi,
ja läbi ööde, mis udusulis
langesid temaga kaasa,
ja läbi päevade, mis hoidsid kindlalt
öid turvaköites ning tüdrukut
langemast surnuks,
kuni ta varem või hiljem sai
taas oma jalad maha
ning minetas ühes hulljulgusega
oskuse lennata.

Iga kord, kui see poiss armus,
hakkas ta kartma
kõigepealt õhtuid, siis hommikuid,
siis telefoni ja postiljone;
ta kartis uksi, mis avanesid
ja veel enam lukustatuid,
ta kartis tänavaid, mis olid täis
kukkuvaid tüdrukuid,
ta kartis Freudi ja kõige rohkem
kartis ta hirmu ja iseend,
ta kippus jooma rohkem kui vaja
ning kukkuma valesse tüdrukusse.

Chaque fois que cette fille tombait amoureuse,
elle commençait à chuter à travers les murs
et les planchers, et le soir sur les routes
à travers l’asphalte,
à travers les nuits duveteuses
qui tombaient avec elle,
et à travers les jours qui tenaient fermement
les nuits encordées et empêchaient la fille
de tomber morte,
jusqu’au moment qui venait tôt ou tard
où ses pieds de nouveau se posaient sur le sol
et où elle perdait avec son audace
la faculté de voler.

Chaque fois que ce garçon tombait amoureux,
il commençait à avoir peur,
d’abord des soirs, puis des matins,
et puis du téléphone et des facteurs ;
peur des portes qui s’ouvraient
et plus encore des portes fermées à clé,
peur des rues qui étaient pleines
de filles qui tombaient,
peur de Freud et plus encore
peur de sa peur et de lui-même,
il avait tendance à boire plus que de raison
et à tomber dans la mauvaise fille.


ALIBI

Jah me pidime kohtuma
mul oli aku tühi
ta tuli teatrist ja
tulistas ennast pähe

jooksis autole ette
ja lendas 
katuselt traataeda

ainus vihje et see oli
nõnda planeeritud:
ta oli natuke liiga ilus

ainus vihje mis jäi
et see polnud päris

kujutlused on meie needus

ta tuli teatrist
ja mul oli aku tühi

ALIBI

Oui nous devions nous retrouver 
ma batterie était vide
elle sortit du théâtre et
se tira une balle dans la tête

se jeta sous une voiture
et sauta
du toit sur un grillage

seul indice révélant
que tout était prévu:
elle s’était faite un peu trop belle

seul indice qui reste
montrant que ce n’était pas vrai

l’imagination est notre malédiction

elle sortait du théâtre
et ma batterie était vide