La déconstruction des mythes identitaires dans la littérature estonienne des années 1990 et 2000

L’objet du présent article est d’analyser la déconstruction des mythes identitaires dans une série d’œuvres littéraires estoniennes dans la seconde moitié des années 1990 et les années 2000. Pour bien comprendre les diverses manifestations de ce phénomène, il est utile de procéder d’abord à quelques rappels historiques, et notamment de préciser quels ont été les grands mythes créés ou alimentés par la littérature estonienne au cours de son histoire. La formation de la littérature profane estonienne a coïncidé chronologiquement avec l’émergence de la conscience nationale au milieu du XIXe siècle. Les deux processus sont évidemment liés : ils s’expliquent en grande partie par les mêmes causes socio-culturelles et se sont renforcés mutuellement. La littérature estonienne a joué un rôle majeur en contribuant à créer ou à alimenter des mythes identitaires1. C’est une fonction qu’elle a conservée au moins jusqu’à la fin de l’époque soviétique et qu’elle assume probablement encore aujourd’hui dans une certaine mesure. 

Les mythes identitaires : esquisse d’une typologie

Compte tenu de l’extrême diversité des emplois et des définitions du mot mythe, une rapide mise au point terminologique n’est sans doute pas inutile avant de poursuivre. J’emploie ici ce mot dans un sens très large et désigne, par l’expression mythe identitaire, une représentation idéalisée qui constitue un élément essentiel de l’image qu’une nation se fait d’elle-même, de son origine, de son passé, de son présent et éventuellement de son avenir. Cette représentation peut prendre diverses formes. Au moins quatre grands types de mythes identitaires peuvent être relevés (mais la liste ne prétend pas à l’exhaustivité).

Le premier type est celui des mythes au sens étroit, c’est-à-dire les récits fabuleux relevant de la mythologie traditionnelle (divinités, créatures, héros et lieux imaginaires, etc.). Qualifiés par certains de mythes ethnoreligieux2, on pourrait les désigner aussi par l’expression en apparence pléonastique de mythes mythologiques. Ils ne sont pas nécessairement d’origine ancienne, et peuvent avoir été inventés à une date relativement récente – on parlera alors de pseudo-mythologie.

Le second type est constitué par les mythes historiques, représentations idéalisées d’époques ou d’événements passés ou de personnages historiques attestés ou supposés.

Le troisième type est celui des mythes idéologiques. Contrairement aux précédents, ils n’ont pas de caractère narratif, mais consistent en idées plus ou moins abstraites sur ce qui définit l’identité ou le caractère national.

Il existe enfin des mythes prospectifs, représentations idéalisées de l’avenir (par exemples les mythes messianistes ou eschatologiques).

Au-delà des variations superficielles, on constate que ces mythes identitaires prennent des formes étonnamment similaires chez les différents peuples. L’éventail des possibles est relativement restreint et se laisse aisément ramener à quelques grandes catégories3. Ces récurrences et ces convergences sont une caractéristique générale de toute activité mythogénétique. Comme l’écrit Gilbert Durand, « le jeu mythologique, au nombre de cartes limité, est inlassablement redistribué4 ».

Les mythes identitaires dans la littérature estonienne

Le corpus littéraire estonien offre principalement des exemples de mythes historiques. On y trouve également, dans une moindre mesure, des mythes mythologiques, et l’on peut identifier un ou deux mythes idéologiques. Il n’y a pas en revanche de véritable mythe prospectif, même si la foi dans un avenir meilleur a incontestablement été un trait important de la littérature à certaines époques et si l’on trouve quelques brèves mentions de type prophétique dans certains textes (par exemple à la fin de l’épopée nationale Kalevipoeg).

Les principaux mythes mythologiques présents dans des œuvres littéraires estoniennes relèvent de la pseudo-mythologie. Ils apparaissent dans de fausses légendes estoniennes écrites en allemand dans les années 1840 par F. R. Faehlmann (1798-1850). Repris en partie dans l’épopée Kalevipoeg, qui les a popularisés, ils ont fait passer dans l’imaginaire collectif un dieu suprême des Estoniens, nommé Taara – nom inventé à partir du nom Tarapita figurant dans la Chronique de Henri de Lettonie (1224-1227), mais inconnu du folklore estonien authentique –, ainsi que quelques personnages semi-divins, tels le chanteur Vanemuine et le forgeron Ilmarine, empruntés à la mythologie finnoise pour compenser l’absence de héros mythologiques estoniens.

Les mythes historiques créés ou entretenus par la littérature estonienne sont, eux, beaucoup plus nombreux et peuvent se regrouper en quatre catégories.

1) Mythe du héros national fondateur. Kalevipoeg, héros éponyme de l’épopée nationale composée au milieu du XIXe siècle par F. R. Kreutzwald (1803-1882), y est présenté comme le roi des anciens Estoniens. Ce personnage a été façonné par Faehlmann, puis par Kreutzwald, par héroïsation et humanisation d’un géant mentionné dans de brèves légendes locales ou étiologiques.

2) Mythes de l’âge d’or. Deux périodes au moins ont été particulièrement glorifiées par la littérature estonienne. La première est celle qui a précédé la conquête de l’Estonie par les chevaliers Porte-Glaive au début du XIIIe siècle. Baptisée « l’ancienne ère de liberté » (muistne vabadusaeg), elle a fait l’objet, à partir de la fin des années 1860, de représentations idéalisées souvent hautement fantaisistes5. À ce mythe, cultivé surtout au XIXe siècle et dans les années 1930, s’est ajouté, après la Seconde Guerre mondiale dans la littérature de l’émigration et vers la fin de l’époque soviétique en Estonie même, le mythe de « l’époque estonienne » (eesti aeg), c’est-à-dire de la période d’indépendance de l’entre-deux-guerres, dont nombre de romans expriment ouvertement la nostalgie6.

3) Mythes de victimisation. Tout âge d’or est par définition suivi d’un déclin ou d’une déchéance. Dans le cas de l’Estonie, cette déchéance prend la forme d’une oppression par un pouvoir étranger. À chacun des deux âges d’or mentionnés ci-dessus correspond donc un mythe de victimisation. L’« ancienne ère de liberté » a été suivie par « sept cents ans d’esclavage ». Cette expression apparue vers le milieu du XIXe siècle résume la conception selon laquelle les Estoniens ont été, depuis la conquête, réduits en esclavage par l’aristocratie foncière de langue allemande, qui a tout fait pour les opprimer et les empêcher d’améliorer leur condition. Cette conception s’est exprimée en littérature par des représentations manichéennes des Germano-Baltes et des paysans estoniens. L’« époque estonienne » de l’entre-deux-guerres a quant à elle été suivie par « cinquante ans d’occupation soviétique », pendant lesquels les Estoniens auraient été opprimés par le « pouvoir d’occupation ». En qualifiant de mythe de victimisation la vision courante de cette période, il ne s’agit évidemment pas de prétendre que le régime soviétique a été globalement une bonne chose pour l’Estonie, mais simplement de dire que les représentations qui en ont été données depuis l’extrême fin des années 1980 ont souvent exagéré les aspects négatifs, au point d’aboutir à des schématisations très éloignées de la réalité, par exemple dans l’emploi du terme « occupation », ou la dénonciation d’une « russification » qui « menaçait l’existence même du peuple estonien », alors qu’en réalité, le régime soviétique a presque constamment favorisé l’expression de la culture estonienne et en langue estonienne, certes dans les limites imposées par l’idéologie officielle7.

4) Mythes de la résistance et du désir de liberté. La littérature estonienne abonde en représentations héroïsées d’épisodes de résistance ou de combats, corollaires des mythes de victimisation. Quatre épisodes surtout ont été largement illustrés : l’« ancienne lutte pour la liberté » (muistne vabadusvõitlus) dans le premier tiers du XIIIesiècle, les jacqueries de l’époque du servage, notamment la révolte dite de la Saint-Georges (1343-1346), la guerre d’indépendance (1918-1920), appelée dans l’historiographie estonienne « guerre de la Liberté » (Vabadussõda), et enfin le combat des partisans estoniens antisoviétiques des années quarante et cinquante, les « frères de la forêt » (metsavennad).

On peut enfin distinguer quelques mythes identitaires idéologiques. Le plus présent dans la littérature est probablement le mythe de l’identité rurale des Estoniens, du travail agricole salvateur opposé aux perversions de la vie urbaine, qui se déploie par exemple dans les innombrables romans paysans de l’entre-deux-guerres. À l’époque soviétique s’est développé également le mythe de la « finno-ougritude », c’est-à-dire l’essentialisation ethnique et culturelle d’une notion au départ purement linguistique. Ce mythe a été élaboré surtout dans des essais ou des ouvrages de réflexion, il s’est exprimé également dans la musique et les arts visuels et semble aujourd’hui très fortement ancré dans la conscience collective. On le rencontre aussi sous forme d’allusions dans des œuvres littéraires.

« Pour qu’il y ait mythe, écrit François Bédarida, il faut qu’il y ait à la fois représentation symbolique et fonction sociale8 ». Le mythe, ajoute-t-il, est une « munition pour changer le monde9 ». De fait, ces représentations estoniennes ont accédé au statut de mythe parce qu’elles ont rempli à différentes époques une fonction sociale ou culturelle précise. Les mythes historiques ont contribué à faire émerger et à entretenir la conscience nationale, principalement dans les années 1860-1890. Certains d’entre eux, comme le mythe de l’âge d’or antérieur à la conquête, ont rempli à cette époque une fonction de légitimation du peuple estonien, de son droit à l’existence et à l’amélioration de son statut social et culturel. Le mythe de la finno-ougritude a permis aux Estoniens, à l’époque soviétique, de se distancier plus nettement des Russes en affirmant leur différence ontologique. Le mythe de l’occupation soviétique a permis, et permet toujours, d’éviter de se poser la question de la responsabilité des Estoniens eux-mêmes dans l’instauration et la perpétuation du régime soviétique, et par là de préserver l’unité nationale : l’image qui prévaut est celle d’un peuple estonien largement uni dans le refus de ce régime, les Estoniens qui ont contribué à son avènement et à son fonctionnement étant considérés soit comme une petite minorité de traîtres, soit comme des gens qui, plus ou moins contraints par les circonstances, se sont engagés non par idéologie, mais pour essayer d’améliorer le système de l’intérieur.

À l’exception de l’épopée Kalevipoeg, qui avait fait l’objet d’une dévalorisation dès le début du XXe siècle (notamment par des membres du groupe Noor-Eesti10), puis d’une transposition humoristique à la première personne dans les années 198011, tous ces mythes identitaires n’avaient guère été remis en question avant le rétablissement de l’indépendance de l’Estonie en 1991. Ils étaient manifestement nécessaires au maintien d’une identité que l’on percevait comme menacée.

À partir des années 1990, une certaine assurance identitaire redonnée par l’indépendance, puis par le départ des troupes russes en 1994, a favorisé l’émergence d’une littérature qui, au lieu de contribuer à entretenir ces mythes, a entrepris de les déconstruire de façon méthodique. Cette notion de « déconstruction » que j’emploie ici par commodité, sous l’effet d’une mode langagière, et non évidemment dans son sens derridien originel, demande à être précisée : que peut signifier concrètement l’expression « déconstruction des mythes » ? Je vois au moins trois possibilités théoriques pour « déconstruire » un mythe, trois types d’opérations auxquelles ce terme pourrait s’appliquer.

La première consiste à affirmer l’absence de fondement d’un mythe, à montrer que les représentations qui le constituent ne sont pas « vraies », au sens où elles ne sont pas confirmées par une analyse objective de la réalité. Il me semble que, dans ce cas, le terme de démythification conviendrait mieux que celui de déconstruction.

La deuxième opération consiste à proposer un nouveau contenu ou une nouvelle interprétation d’un mythe, à modifier son sens ou sa fonction.

Enfin, la troisième opération consiste simplement à désacraliser un mythe, sans prétendre le réfuter ni l’investir d’un sens nouveau.

Voyons maintenant plus précisément en quoi consiste la déconstruction des mythes opérée par la littérature estonienne depuis les années 1990.

Le surréalisme iconoclaste d’Andrus Kivirähk

Le principal auteur à avoir fait de cette entreprise son fonds de commerce, si l’on peut dire, est Andrus Kivirähk (né en 1970), qui est en Estonie un véritable phénomène littéraire. À la fois encensé par la critique et plébiscité par les lecteurs, c’est incontestablement l’écrivain estonien le plus populaire et chacun de ses romans a connu un immense succès.

L’ouvrage qui a lancé le coup d’envoi de cette entreprise de déconstruction, et qui en constitue aussi l’expression la plus radicale, est Les mémoires d’Ivan Orav. Ce texte, paru en volume en 1995, mais publié auparavant en feuilleton dans le quotidien Eesti Päevaleht, est une parodie des ouvrages de souvenirs qui fleurissaient à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Le livre se présente comme les mémoires d’un personnage fictif, le forgeron Ivan Orav, caricature du nationaliste estonien inflexible. Son témoignage couvre une période qui va de l’Estonie indépendante des années 1930 jusqu’à 1993, soit les premières années après le rétablissement de l’indépendance. Ivan Orav a assisté de près à tous les événements historiques importants et nous les raconte à sa manière. Si la trame générale de cette pseudo-histoire estonienne est à peu près conforme à celle de l’histoire réelle, le détail des événements est complètement modifié pour produire un récit loufoque, voire « déjanté », qui tourne en dérision les personnages historiques et l’idéologie patriotique estonienne.

Les trois principales ressources du comique de Kivirähk sont l’absurde, l’exagération, et la réduction du sérieux et du tragique à l’insignifiant et au dérisoire. Dans ce travestissement de l’histoire estonienne, Kivirähk utilise abondamment des éléments empruntés à des œuvres de la culture populaire, notamment les contes de fée, et les chansons et les récits pour enfants.

Quelles sont ses principales cibles ? 

Kivirähk procède en premier lieu à une déhéroïsation des principaux acteurs de l’histoire politique estonienne du XXe siècle. Ceux-ci se comportent comme des personnages de dessins animés ou de films comiques et accomplissent en permanence des actes absurdes ou infantiles. Ainsi, le dernier président de l’Estonie indépendante, Konstantin Päts, aime tellement la propreté que, pendant les réceptions officielles, il passe entre les invités avec un petit chiffon pour tout essuyer. Autre exemple : pour illustrer le fait qu’après l’entrée des troupes russes en Estonie c’est Molotov qui dicte à Päts depuis Moscou tout ce qu’il doit faire, Ivan Orav rapporte des conversations téléphoniques au cours desquelles Molotov ordonne à Päts de changer de pantalon et de manger du chou !

Kivirähk tourne également en dérision le mythe de l’âge d’or de l’entre-deux-guerres en donnant de l’Estonie indépendante une vision idéalisée jusqu’à l’absurde : selon Ivan Orav, l’Estonie de cette époque était si merveilleuse que chaque nuit on entendait les accents d’un violon provenant de la Lune ; les bouleaux donnaient des pommes ; les animaux parlaient la langue des humains ; tout le monde se serrait la main dans la rue et s’offrait des cadeaux ; de six heures à sept heures du soir on dansait la polka sur les trottoirs ; l’amour du travail était tel qu’on se relevait la nuit pour travailler et que dès le 6 janvier, tous les travaux agricoles de l’année étaient finis, etc.

La même méthode est utilisée pour se moquer du nationalisme estonien, de ses idées et de sa rhétorique, qui étaient encore bien présentes dans l’espace public au début des années 1990. Le nationalisme d’Ivan Orav est si outré qu’il en devient risible. Les expressions imagées qu’il emploie pour exalter les patriotes Estoniens ou pour stigmatiser les communistes ou les Russes sont caricaturales et souvent hautement cocasses. Les communistes sont ainsi désignés par toutes sortes de noms d’animaux – rats, chiens, serpents, cobras, hyènes – généralement suivis de l’adjectif « rouges ». Les manifestations en acte de son patriotisme sont également excessives. C’est ainsi qu’à l’époque soviétique, il va jusqu’à interdire à ses abeilles de butiner les arbres qui ont été plantés après l’annexion de l’Estonie.

Rien ne trouve grâce aux yeux de Kivirähk, qui s’attaque même à la mémoire d’événements tragiques et douloureux, comme les arrestations par le NKVD, les déportations des années 1940, la fuite de nombreux Estoniens en septembre 1944 avant le retour de l’Armée rouge, le destin des « frères de la forêt », la répression de la dissidence des années 1970 et 1980. Ainsi, le train qui emmène Ivan Orav en déportation est décrit comme un petit train sympathique conduit par un canard (il s’agit d’une allusion à une célèbre chanson pour enfants). Ou encore : à force de vivre dans les bois, les « frères de la forêt » finissent par se transformer en végétaux ou en animaux. Ces passages peuvent être vus comme un véritable attentat au devoir de mémoire, à la douleur historique qui s’est transmise à toute la communauté nationale et qui constitue une part de son identité. Mais on peut se demander si ce type de travestissement comique n’est pas en définitive préférable à la surdramatisation opérée par certains écrivains qui exploitent la mémoire comme un filon pour produire de faux témoignages. 

On connaît en France de nombreux exemples de détournement littéraire de la mémoire de la Shoah12. Un exemple récent d’exploitation fictionnelle de la mémoire estonienne est l’ouvrage de la romancière finlandaise Sofi Oksanen, Purge, qui a obtenu en 2010 le prix Femina étranger et qui donne une image caricaturale des drames de l’histoire estonienne des années 1940. La version loufoque de Kivirähk est en un certain sens plus honnête, parce que toute confusion avec la réalité est impossible, alors que les témoignages-fiction peuvent aisément passer pour véridiques ou vraisemblables et produire de fausses représentations de l’histoire. Kivirähk, lui, ne produit pas de représentation de l’histoire, il joue simplement avec les éléments historiques pour produire un récit comique autonome. La seule chose que ce récit nous dit sur la véritable histoire, c’est que celle-ci n’est pas aussi sacrée qu’on le pense et qu’on peut en rire sans complexe. C’est donc une invitation à l’autodérision. Comme le résume le critique estonien Hasso Krull, Les mémoires d’Ivan Orav sont « la tentative la plus sérieuse pour instaurer un rapport nouveau et décrispé avec le passé13 ».

Dans le contexte politique estonien du milieu des années 1990, une telle entreprise pouvait encore paraître profondément iconoclaste. Ce livre a pourtant reçu un accueil enthousiaste. Il a obtenu en 1996 le principal prix littéraire estonien récompensant un ouvrage en prose (le prix littéraire de la Fondation pour la culture). La présidente du jury, Rutt Hinrikus, a motivé la décision en déclarant qu’il s’agissait d’un exemple rare d’un texte « spontané », « spirituel » et « grotesque » restant « dans les limites du bon goût »14. Le critique Märt Väljataga a mentionné la parution de ce livre comme l’un des principaux événements littéraires de l’année 199515. Holger Kaints, dans la revue Looming, a vu dans le récit d’Ivan Orav une « déhéroïsation généralisée » qui rabaisse tous les personnages, mais en respectant tout de même la hiérarchie établie par la mémoire collective estonienne : Molotov et Jdanov apparaissent selon lui plus méprisables et plus vils que Konstantin Päts16. Toomas Kall, dans son compte rendu très élogieux pour la revue Vikerkaar17, considère que le livre « enfreint des tabous » et constitue une « très belle déconstruction ». Il voit en outre dans le travestissement de l’histoire opéré par Kivirähk une sorte d’accélération de la mythogenèse nationale, qui, elle aussi, déforme les événements et les personnages historiques, mais beaucoup plus lentement. Cette dernière idée me semble à vrai dire peu convaincante, car la mythogenèse opère évidemment dans un sens radicalement opposé à la direction suivie par Kivirähk, mais elle est tout de même intéressante, car on retrouvera dans une œuvre ultérieure de l’auteur une parodie plus nette de l’activité mythogénétique. Dans l’ensemble, les Mémoires d’Ivan Orav semblent avoir suscité assez peu de réactions irritées ou indignées. La seule explication possible à cette réception étonnamment unanime est que l’humour surréaliste de Kivirähk est tellement irrésistible qu’il brise les barrières morales et idéologiques et conduit à rire même de ce qui apparaissait comme irrémédiablement sacré ou tragique.

Un autre roman d’Andrus Kivirähk, Le gardien de la grange (2000), chronique d’un village estonien à l’époque du servage, subvertit le mythe des « sept cents ans d’esclavage » en le traitant sur le mode comique, en le saturant d’éléments fantastiques et magiques inspirés du folklore, et surtout en inversant les rôles : les maîtres allemands y sont présentés comme de pauvres naïfs impitoyablement volés et dupés par les Estoniens, lesquels se font aider par des créatures fantastiques, les kratt, sortes de golems fabriqués avec de vieux objets et auxquels on insuffle la vie en concluant un pacte avec le Diable. Mais les Estoniens eux-mêmes ne sont pas épargnés par l’auteur : ils apparaissent comme des êtres mesquins et cupides, querelleurs, superstitieux, rusés jusqu’à la malhonnêteté, parfois cruels, une image radicalement opposée à celle du pauvre paysan à l’âme noble victime de l’oppression du seigneur allemand, que l’on rencontrait dans les romans historiques de la fin du XIXe siècle.

Kivirähk donne également dans cet ouvrage une parodie du folklore et des croyances estoniennes traditionnelles, qui opère, ici aussi, selon le procédé de l’exagération : partant d’éléments réels, comme les kratt, il leur ajoute de nouvelles caractéristiques, ou invente de fausses croyances, de fausses procédures magiques plus délirantes les unes que les autres. C’est ainsi que le personnage principal (le gardien de la grange) réussit à débarrasser le village de la peste, qui s’était présentée sous la forme d’un cochon, en lui coupant une patte avec un couteau sur lequel un pasteur a dormi trois nuits de suite, puis en la brûlant dans un poêle avec une Bible.

On trouve enfin dans ce livre, quoique de façon plus discrète, une satire du nationalisme naïf et de la création des mythes historiques. Elle se manifeste par exemple dans les propos d’un personnage secondaire qui mentionne comme des vérités – mais en les déformant sur le mode hyperbolique – certains mythes historiques inventés au XIXe siècle, comme l’« ancienne ère de liberté », le « roi » Lembitu, « qui était en son temps l’homme le plus important et le plus puissant du monde18 », le « dieu » Kalevipoeg, « plus puissant que Jésus » et dont le tibia brille la nuit d’une lumière verte à une croisée de chemins19. Un autre personnage incarne de façon caricaturale le nationaliste estonien intransigeant : il ne manque pas une occasion d’exprimer son dégoût pour les Allemands et refuse tout contact avec eux, au point de s’interdire de leur voler de la nourriture.

Le roman suivant de Kivirähk, L’homme qui savait la langue des serpents (2007)20, toujours dans le registre fantastico-loufoque, revisite principalement le mythe historique de l’âge d’or et le mythe idéologique de la ruralité et du travail agricole. Le roman se déroule juste après la conquête de l’Estonie par les Allemands et décrit les changements culturels que la conquête et la christianisation impliquent pour les Estoniens. L’auteur oppose un âge d’or primitif et une décadence, mais les caractéristiques de cet âge d’or sont issues presque entièrement de son imagination et prennent le contre-pied des représentations identitaires traditionnelles. Il imagine en effet que le travail de la terre, loin d’être consubstantiel à l’identité estonienne, est une forme de décadence due à la christianisation, et qu’avant cela les Estoniens vivaient dans les forêts et savaient parler la langue des serpents. Celle-ci leur permettait de communiquer avec les animaux et de les soumettre à leur volonté. Ils pouvaient ainsi se procurer facilement leur subsistance : au lieu de chasser, il leur suffisait d’appeler le gibier qui venait s’offrir docilement. Le pain, élément central de l’identité actuelle des Estoniens, est décrit dans le livre comme une nourriture dégénérée propre aux agriculteurs, mais immangeable pour les quelques Estoniens qui restent fidèles au mode de vie traditionnel.

Cet âge d’or « forestier » des Estoniens est en outre relativisé : il apparaît lui-même comme le produit d’une décadence par rapport à un âge d’or encore plus ancien. Il a en effet été précédé par une époque où les hommes parlaient une langue encore plus universelle, qui leur permettait de communiquer même avec des petits animaux ne comprenant pas la langue des serpents, comme les insectes. Cette ancienne culture est encore représentée, à l’époque décrite dans le livre, par un couple d’anthropopithèques qui élèvent des poux géants dans les profondeurs de la forêt.

Enfin, Kivirähk s’amuse à inventer des mythes mythologiques, comme le poisson géant Ahteneumion, ou la Grenouille du Nord (Põhjakonn), une divinité ailée qui protégeait autrefois les Estoniens contre les invasions, mais qui dort à présent dans les profondeurs de la terre et ne pourrait être réveillée que si au moins dix mille hommes l’appelaient dans la langue des serpents, ce qui est devenu impossible puisque la plupart des humains ont perdu la connaissance de cette langue. Kivirähk donne ici un nouveau contenu mythologique à un terme qui désignait, dans un conte de F. R. Kreutzwald, un monstre malfaisant avec un corps de bœuf, des pattes de grenouille et une queue de serpent. Il procède donc une fois de plus à l’inversion d’un mythe, puisque dans son roman la Grenouille du Nord est clairement une créature positive.

L’uchronie comique d’Indrek Hargla

Un autre auteur qui déconstruit les stéréotypes identitaires est Indrek Hargla (né en 1970), dans French et Koulu (2005), French et Koulu à Tarbatu (2007) et Les voyages de French et Koulu (2009), trois recueils de longs récits qui mélangent habilement plusieurs genres de la paralittérature : récit uchronique, roman policier, roman de sorcellerie et roman comique. Le jeu avec les stéréotypes nationaux repose en grande partie sur la dimension uchronique, qui permet de présenter une image modifiée de l’Estonie. Celle-ci n’a pas été conquise et christianisée au XIIIe siècle par les chevaliers allemands et a donc pu construire librement son État national, développer sa religion et sa culture ancestrales. Son nom n’est évidemment pas Eesti (mot formé sur un exonyme des Estoniens), mais Maavald (mot composé signifiant à peu près « domaine du pays » et qui était en usage en estonien jusqu’au XIXe siècle).

De même que Kivirähk, Hargla procède par exagération : il accroît de façon caricaturale l’importance et le rôle de certains composants bien réels de l’identité estonienne. Les chants populaires anciens, par exemple, sont promus au rang de code civil. La pomme de terre, principal aliment des Estoniens, est érigée en objet de culte : il y a chaque année une « fête de la pomme de terre » et un champ de pommes de terre sacré s’étend sur la colline qui surplombe la ville de Tarbatu (Tartu). La fête du chant choral, qui a lieu aujourd’hui tous les cinq ans et est considérée par les Estoniens comme un élément central de leur identité, devient dans le livre les « travaux collectifs du chant », auxquels la participation est obligatoire, sous peine de déchéance sociale, et au cours desquels on chante sans s’arrêter pendant plusieurs jours et plusieurs nuits. Ces travaux collectifs annuels sont complétés le reste de l’année par une sorte de genre lyrique national fondé sur la poésie populaire et qui se pratique dans un opéra appelé « maison du chant »21.

Ces exagérations humoristiques sont complétées par un point de vue extérieur critique et ironique sur l’identité estonienne. Le narrateur, French, est en effet un étranger, un Bourguignon plus précisément, qui est devenu par contrat l’esclave du plus grand poète estonien, Koulu, lequel travaille également comme agent secret pour son pays. Le narrateur déteste les pommes de terre et ne manque pas une occasion de dire tout le mépris qu’il a pour cet aliment, ainsi que pour le chou fermenté et le pain, autres composants de la gastronomie locale. À travers le regard de ce personnage, Hargla invite ses lecteurs estoniens à l’auto-ironie, voire à l’autodérision.

Hargla détourne également le mythe du loup-garou, qui, en Estonie, est non seulement un mythe ethnoreligieux relevant des croyances populaires, mais aussi un mythe littéraire illustré par plusieurs écrivains dans des textes devenus des classiques22. Alors que, dans ces textes, le loup-garou apparaît soit comme un personnage tragique injustement rejeté par la société, soit comme une créature hostile à la duplicité inquiétante, Hargla reprend quant à lui le mythe sous un angle humoristique : son loup-garou est une frêle jeune femme, blonde, belle et sympathique, Nell, l’un des trois personnages principaux de cette série de récits. Les manifestations occasionnelles de sa lycanthropie sont une source d’effets comiques, par exemple au restaurant lorsqu’elle commande de la viande crue, ou dans ses relations avec le narrateur qui s’efforce en vain de la séduire.

Enfin, Hargla invente un mythe historique fondateur de son Estonie imaginaire, celui du « briseur de faim Eerik », un marchand venu d’un pays lointain qui apporta dans le pays la pomme de terre salvatrice, après une longue période de disette et de guerres23. Puis il fait aussitôt déconstruire ce mythe par le narrateur, qui dévoile la réalité historique moins glorieuse qui se trouve derrière le personnage d’Eerik : celui-ci était en réalité un marchand cupide, dont la seule motivation était le profit24.

Hypertextes de l’épopée nationale

L’épopée nationale Kalevipoeg continue d’inspirer des jeux intertextuels, ou plutôt hypertextuels (au sens genettien), caractérisés par une forte présence de la sexualité.

C’est ainsi que Kerttu Rakke (née en 1970) a publié en 2000 une transposition en prose de l’épopée, remixée dans une perspective féministe : l’action se déroule dans les années 1990, le héros est une jeune femme sexuellement libérée et portée sur la bouteille, et l’épée est remplacée par une voiture américaine baptisée Sexmobile.

En 2010, Kristian Kirsfeldt a publié Kalevipoeg 2.0, une autre version modernisée, mais dans une forme qui imite le vers traditionnel utilisé dans l’épopée originale (de même d’ailleurs que Kreutzwald avait imité et déformé le vers traditionnel authentique). Un effet de contraste très savoureux est produit par l’association de cette forme poétique archaïque avec l’emploi de mots argotiques contemporains. Les transpositions de l’action créent également un effet comique et véhiculent une satire occasionnelle de la société capitaliste. Au diable, par exemple, se substitue un banquier, nouvelle incarnation du Mal et de l’inhumanité. La plupart des combats du héros sont remplacés par des scènes pornographiques décrivant ses prouesses sexuelles. L’ouvrage est agrémenté d’illustration « trash » dues à l’un des principaux artistes estoniens contemporains, Peeter Allik.

Conclusion

Le traitement que les œuvres qui viennent d’être évoquées font subir aux mythes identitaires estoniens peut être caractérisé comme une désacralisation postmoderniste. Ces œuvres s’inscrivent en effet, comme on a pu s’en rendre compte, dans une démarche typiquement postmoderniste qui peut se résumer par cinq traits principaux.

1) Elles témoignent pour la plupart d’une renonciation à créer du sens. Elles ne proposent pas en effet de véritable réinterprétation des mythes identitaires, ne visent pas à les doter d’un sens nouveau (les inversions auxquelles procèdent Kivirähk et Hargla sont purement ludiques), ni évidemment à démontrer leur absence de fondement réel, mais uniquement à les désacraliser, à montrer que l’on peut en rire et jouer avec.

2) Le ressort principal de cette désacralisation est l’humour, qui repose en majeure partie sur la technique de l’exagération, ainsi que sur le jeu des concordances et des discordances entre la forme canonique du mythe et le produit de sa transformation.

3) Le second ressort de la désacralisation est l’intertextualité ludique, le mixage et le reconditionnement ironiques des références culturelles et des textes fondateurs — et l’innovation principale de ces œuvres, dans le contexte estonien, réside dans le fait qu’elles considèrent les mythes identitaires comme des textes parmi d’autres, des matériaux que l’écrivain est libre d’utiliser à sa guise.

4) Toutes ces œuvres ou presque mélangent plusieurs genres, notamment des genres de la paralittérature, et utilisent des éléments de la culture populaire ancienne ou moderne.

5) La plupart de ces œuvres parodient l’activité mythogénétique elle-même par la mise en scène d’une mythogénèse proliférante ou délirante. 

Que signifient ou que révèlent ces entreprises de déconstruction des mythes identitaires ? Si les mythes canoniques remplissaient, comme on l’a vu, une fonction culturelle précise, leur déconstruction signifie-t-elle qu’ils n’ont plus de fonction à remplir dans la société estonienne actuelle ? En réalité les mythes identitaires n’ont pas disparu. L’actualité estonienne de ces dernières années en fournit de nombreux témoignages, par exemple dans le débat public qui a eu lieu en 2007 à l’occasion de l’érection sur la place principale de Tallinn d’un monument commémorant la guerre d’Indépendance. Mais, justement, ce monument a été un facteur de division plus que d’unité nationale : de nombreux Estoniens s’y sont opposés, en y voyant surtout un monument de ringardise esthétique ou en estimant qu’il n’était guère nécessaire. Les mythes identitaires sont désormais de plus en plus relativisés. Ils font, pourrait-on dire, l’objet d’une approche duelle : ils jouent toujours un rôle dans la sphère officielle, tandis que dans la sphère privée, même si certains individus les prennent encore au sérieux, ils sont souvent considérés avec une certaine distance ironique. Mais on peut rire de quelque chose sans pour autant cesser d’y croire. La désacralisation n’est pas une destruction. On peut même considérer que la désacralisation postmoderniste, du fait qu’elle opère sur le mode ludique, est relativement inoffensive et renforce au contraire la canonicité des mythes qu’elle désacralise : plus un mythe est utilisé, déconstruit, parodié, plus il se voit renforcé dans son statut de composant central de l’auto-définition identitaire. C’est là un paradoxe bien connu de la parodie ironique postmoderniste qui, selon la formule de Linda Hutcheon, « use et abuse », « installe et subvertit »25.

En outre, l’énorme succès qu’ont eu plusieurs de ces ouvrages, principalement ceux d’Andrus Kivirähk, a donné aux parodies de mythes qu’ils présentaient la notoriété et la dimension collective nécessaires pour en faire des mythes véritables : plusieurs personnages de Kivirähk sont sortis des limites du texte et sont passés sous des formes diverses dans la culture populaire. Ivan Orav a fait l’objet d’une série télévisée ; en 2009 Kivirähk a annoncé dans la presse son décès à l’âge de 101 ans et a propagé l’idée selon laquelle le nouveau monument à la guerre d’Indépendance (qui a la forme d’une grande croix de verre) était en réalité son monument funéraire. L’univers décrit dans L’Homme qui savait la langue des serpents a inspiré un jeu de société. La Grenouille du Nord est devenue l’un des personnages qui commentent l’histoire estonienne dans une installation audiovisuelle exposée depuis 2011 au Musée historique estonien à Tallinn. Ces mythes en formation sont d’un genre inédit. Ils inaugurent en Estonie un type nouveau de mythe identitaire que l’on pourrait appeler le mythe identitaire postmoderne, et que je définirais non plus comme une représentation idéalisée de la nation, mais comme une représentation humoristique qui donne une forme canonique à l’ironie qu’une nation exerce sur elle-même.


Notes

  1. Voir notamment Antoine Chalvin, « Littérature et identité nationale en Estonie », Nordiques, n° 12, 2007, p. 111-119. ↩︎
  2. André Siganos, « Définitions du mythe », in Danièle Chauvin, André Siganos, Philippe Walter (dir.), Questions de mythocritique, Paris, Imago, 2005, p. 85-100. ↩︎
  3. Comme le montre par exemple, pour l’Europe centrale et orientale, l’anthologie Europe médiane : aux sources des identités nationales, Maria Delaperrière, Bernard Lory et Antoine Marès (dir.), Paris, Institut d’études slaves, 2005. ↩︎
  4. Gilbert Durand, Introduction à la mythodologie : mythes et sociétés, Paris, Albin Michel, 1996, p. 44. ↩︎
  5. Voir par exemple le « premier discours sur la patrie » (1868) de Carl Robert Jakobson, texte fondateur de ce mythe, in Europe médiane : aux sources des identités nationalesop. cit., p. 68-69. ↩︎
  6. Un des meilleurs exemples est l’admirable roman de Jaan Kross, Wikmani poisid [Les Gars de chez Wikman] (1985), malheureusement inédit en français. ↩︎
  7. Pour l’une des rares tentatives de démythification sur ce point, voir Jaak Allik, « Il a survécu, le peuple robuste des fils de Kalev », in A. Bertricau (dir.), L’Estonie : identité et indépendance, Paris, L’Harmattan, 2001, pp. 205-216. ↩︎
  8. François Bédarida, Histoire, critique et responsabilité, Bruxelles, Complexe, 2003, p. 240. ↩︎
  9. Ibid., p. 241. ↩︎
  10. Le groupe Noor-Eesti (Jeune-Estonie), apparu sur le devant de la scène en 1905, rassemblait des écrivains et des artistes qui appelaient de leurs vœux une modernisation de la culture estonienne grâce à une plus large ouverture aux influences européennes, en particulier françaises et scandinaves. Son mot d’ordre le plus célèbre était : « Soyons Estoniens, mais devenons aussi Européens. » Il resta actif jusqu’à la Première Guerre mondiale. ↩︎
  11. Enn Vetemaa, Kalevipoja mälestused [Les Mémoires de Kalevipoeg], Tallinn, Eesti Raamat, 1985. ↩︎
  12. Voir notamment les œuvres analysées dans Charlotte Lacoste, Séductions du bourreau, Paris, PUF, coll. « Intervention philosophique », 2010. ↩︎
  13. Cité par Toomas Kall, « Mis oleks, kui Oravat ei oleks » [Qu’y aurait-il si Orav n’existait pas ?], Vikerkaar, n° 5/6, 1995, p. 163.
    ↩︎
  14. Cité par Viktoria Parmas, « Kultuurkapital jagas kirjanduspreemiaid » [La Fondation pour la culture a attribué les prix de littérature], Eesti Päevaleht, 17 février 1996. ↩︎
  15. « Lõppev kirjandusaasta oli huvitav » [L’année littéraire qui s’achève était intéressante], Eesti Päevaleht, 29 décembre 1995. ↩︎
  16. Holger Kaints, « Ivan Orav on naljakas » [Ivan Orav est amusant], Looming, n° 5, 1995, p. 712. ↩︎
  17. Toomas Kall, « Mis oleks, kui Oravat ei oleks », art. cit. ↩︎
  18. Andrus Kivirähk, Rehepapp, Tallinn, Varrak, 2000, p. 76. ↩︎
  19. Ibid., p. 172. ↩︎
  20. Tr. fr. Jean-Pierre Minaudier, Paris, éditions Le Tripode, 2013. ↩︎
  21. Indrek Hargla, French ja Koulu, Tallinn, Varrak, 2005, p. 91-92. ↩︎
  22. Notamment une pièce de théâtre d’August Kitzberg, une nouvelle d’August Gailit, à quoi l’on peut ajouter une nouvelle de la Finlandaise Aino Kallas, écrite en finnois mais directement inspirée du folklore estonien. ↩︎
  23. Indrek Hargla, French ja Kouluop. cit., p. 32, 91-92. ↩︎
  24. Ibid., p. 92. ↩︎
  25. Linda Hutcheon, A Poetics of Postmodernism: History, Theory, Fiction, New-York et Londres, Routledge, 1988, p. 3, 129, 131. ↩︎